LE CHILI
DE 1958 à 2004
Les élections de 1958 vont être remportées par Jorge Alessandri,
appuyé par les partis de droite. Durant son mandat des progrès seront
réalisés dans les domaines culturel et économique. Les industries se
développeront parallèlement à l'exploitation des classes laborieuses
et à l'agitation sociale. Lors du scrutin de 1964, deux candidats s'affrontent : Salvador
Allende qui se présente pour la troisième fois comme leader de la
coalition social-communiste et Edourado Frei, fondateur et président
du jeune parti démocrate-chrétien. La droite et le centre,
farouchement opposés à Allende choisissent de soutenir la candidature
de Frei. Les Etats-Unis épaulent ce dernier et financent une grande
partie de sa campagne électorale en même temps qu'une puissante
propagande anti-communiste conduite de la même manière qu'elle le fut
aux USA. Frei gagne les élections. Il met en place des réformes importantes :
organisation des syndicats, de centres de mères au foyer, amélioration
de l'habitat, de l'éducation, des services sociaux ; exploitation du
cuivre par des entreprises chiliennes, réformes agraires... Mais sa
politique butte sur de nombreux écueils : obstruction du congrès
(assemblée nationale et sénat) où il n'a pas la majorité, opposition
de son propre parti face à la réforme agraire, dépendance accrue
vis-à-vis des capitaux étrangers, américains en particulier, migration
rurale incontrôlée venant grossir les bidonvilles, inflation
galopante. Les réformes Frei sont opposées aux intérêts des milieux
bourgeois de droite. De plus, les lenteurs de Frei, son rapprochement
avec les conservateurs, mécontentent la gauche chilienne. Ce qui fait
qu'à l'approche des élections de 1970, la polarisation droite/gauche
est intense et le climat social très agité. L'alliance des partis de gauche, l'Unité Populaire, choisit à nouveau
'el chico', le jeune Salvador Allende comme candidat. L'Unité
Populaire dont il est le leader plaide pour des changements radicaux.
Elle propose une transformation profonde de la société, une
'révolution' mais par des voies légales : vote de lois sur
l'expropriation des grands propriétaires terriens, nationalisation des
banques, des compagnies d'assurance et des grandes entreprises
industrielles et minières. Allende marxiste-léniniste a pour adversaire Rodomiro Tomic, candidat
démocrate-chrétien et Alessandi, ancien président, qui se présente à
nouveau. Les résultats sont serrés : Tomic 27,8 %, Alessandi 34,9 % et
Allende 36,3 %. Ce dernier devient donc Président de la République
installé au suffrage indirect par le congrès lequel, immédiatement lui
enlève des pouvoirs. Le sénat adopte plusieurs amendements
constitutionnels visant à limiter le champ d'action du futur
gouvernement Allende. Le nouveau président du Chili, surmontera courageusement les nombreux
obstacles et s'efforcera d'appliquer le programme de l'Unité
Populaire. Deux millions d'hectares de terres seront redistribués
notamment aux insoumis, les Mapuche rassemblés en parti politique, le
parti Mapuche. Grâce à la croissance dans le secteur secondaire, le
chômage va diminuer, les logements vont s'améliorer, le PIB sera mieux
réparti en faveur des couches défavorisées. Mais les entreprises privées se bloquent : au lieu de continuer à
produire et d'investir elles décident de vivre sur leurs stocks et
finissent par créer des problèmes de ravitaillement et de
distribution. Les Etats-Unis observent et s'opposent aux relations étroites entre la
Havane et Santiago. Une grève des transporteurs sera financée par les
USA. Cette grève bloquera tout le Chili. Allende prévoit la
nationalisation et l'exploitation des gisements de cuivre, domaine où
de grandes compagnies américaines font de juteux bénéfices qui fuient
aux USA. Les USA et la CIA organisent le blocus vis-à-vis du Chili. Entre autres mesures, tous les crédits sont coupés y compris le
financement accordé à cette armée chilienne qui sait si bien garder
les frontières entre le Chili, le Pérou et la Bolivie. Les militaires
voient leur solde diminuer de moitié et de ce fait, lors du coup
d'état suivront aveuglément Pinochet. Les stages aux USA des jeunes officiers
chiliens sont maintenus. Le coup d'état se prépare. Aux difficultés d'approvisionnement s'ajoutent l'inflation galopante
et les grèves organisées par les opposants. Allende doit faire face à
une manifestation qui recense 45 000 personnes mécontentes dans les
rues de la capitale Santiago du Chili et face au palais présidentiel
LA MONEDA. Des usines sont occupées par des grévistes. Les partis de
droite, l'opposition agitatrice est très active. Allende va faire un geste politique : il va confier le ministère de
l'Intérieur au Chef des Armées, un rigoureux légaliste Carlos Prats.
C'est pendant un moment de répit que se sont organisées les élections
législatives de mars 1973. Le soutient populaire pour Allende s'est
accru depuis 1970, l'Unité Populaire obtient 44 % des voix. Après ces élections dont le résultat fâche la droite et l'extrême
droite, l'armée prépare un putsch. Le premier est manqué, maté par Prats
lui-même, en juin 1973. Sous ses ordres des unités de l'armée
fouillent régulièrement usines et bidonvilles à la recherche d'armes
pour prévenir, disent-ils "une insurrection communiste". La répression
commence. En juillet Allende devra faire face à de nouvelles grèves (professions
libérales, commerçants, transporteurs : c'est le chaos économique). Prats est tenu de démissionner. Sur les conseils de Prats lui-même, il
sera remplacé par Augusto Pinochet. Prats et Allende le croient loyal
à la Constitution. Pinochet a pourtant un passé : jeune lieutenant, au
cours d'une grève, il avait fait abattre par ses hommes toute une
famille. Allende cherche désespérément une solution politique. Entre temps deux
hommes de confiance les commandants Schneider et Arayak sont
assassinés. Le Président prévoit de parler aux Chiliens le 11 septembre 1973
pour leur annoncer entre autres réformes une plébiscite portant sur
certaines questions économiques et la convocation à de nouvelles
élections. Il n'en aura pas le temps. Le 11 septembre 1973 à 7 h du matin il apprend que le port de
Valparaiso est isolé par la marine militaire. Il comprend
immédiatement qu'un deuxième putsch se prépare. Il se met à la radio et
parle au peuple chilien. (voir dernier discours de Salvador Allende,
en espagnol et en français). Au fur et à mesure de son appel,
l'insurrection se précise. C'est un coup d'ETAT MILITAIRE. Les
antennes de radio sont bombardées une à nue. Il ne reste plus, à 9 h
du matin, que les lointains relais de la Patagonie pour diffuser ses
dernières paroles. Le palais présidentiel de LA MONEDA est attaqué par des militaires
sous le commandement de Pinochet. Plus tard il sera annoncé qu'on lui
a offert de quitter le Chili en avion, lui et sa famille. Salvador
Allende aurait refusé et se serait suicidé : aucune personne n'a pu
témoigner de ces faits lors du bombardement du
Palais de la Moneda. Salvador Allende mourra l'arme à la main, une mitraillette offerte
par Fidel Castro. Il se défendra, lui qui était un lutteur social, un
franc-maçon fraternel, un humaniste, lui qui jamais n'avait pensé
devoir tirer sur quelqu'un. Après sa mort il est encore criblé de
balles
et selon un rituel barbare, un soldat mercenaire lui enfonce le
visage avec la crosse de son arme. (Son corps sera exhumé en 1990. Sa fille Isabel Allende, députée,
refusera la version du suicide devant le congrès. La mémoire de
Salvador Allende sera réhabilitée. Le 30ème anniversaire de sa mort
sera commémoré au Chili). Depuis le coup d'état la junte militaire aura à sa tête Auguste Pinochet qui s'autoproclamera
"général en chef des trois armées", secondé par les commandants en chef
des trois armées et du chef de la police. Cette junte est soutenue par les USA,
l'extrême droite, la
droite et le centre et s'imposera grâce à une répression féroce. Cela durera 17
années interminables. Pinochet aura en mains les trois pouvoirs :
législatif, judiciaire et exécutif. 1973 : dès le coup d'état, il dissout le Congrès National, les
conseils municipaux, les syndicats et les partis politiques. La presse
est censurée, le couvre-feu instauré. Toute la littérature de gauche
est brûlée ainsi que les publications du gouvernement Allende. Les
poètes fuiront le pays. Des milliers de Chiliens sont arrêtés, torturés (plus de 2000 dans le
mois qui a suivi le coup d'état) déportés, exécutés. Un dixième de la
population quitte le Chili. Les indiens Mapuche, "les insoumis" seront
particulièrement persécutés. Leurs terres seront à nouveau
réquisitionnées. Le gouvernement militaire confiera la gestion économique du pays aux
Chicago's Boys, technocrates formés aux Etats-Unis. Ceux-ci
appliqueront une politique ultra-libérale incluant privatisation et
non-intervention de l'Etat. Dans un premier temps l'inflation chute de
manière significative, les exportations augmentent, les devises
également mais la consommation intérieure est freinée pour diminuer
les importations. Les Chiliens seront privés de biens de consommation
primaires. Les effets pervers de ces résultats seront les suivants : baisse de
plus de 14 % du PIB, chômage de presque un tiers de la population
active, dévaluation, crise du système bancaire, endettement généralisé
des grandes entreprises. En 1982, la crise économique engendre une
crise politique. Les Chicago's Boys sont remis en question par
l'oligarchie chilienne mais soutenus par la junte militaire qui craint
un retournement social. Devant l'ampleur du désastre, le gouvernement
décide de prendre en charge la dette extérieure. L'état devient pour
un temps, le principal propriétaire privé. Basculant d'un extrême à
l'autre, on assiste à l'étatisation presque totale de l'économie
chilienne, puis de 1985 à 1989, le contraire : privatisation à outrance
y compris du système de protection sociale. Les chômeurs ne seront
plus couverts par l'assurance sociale. Obligation de travailler et de
souscrire des assurances privées ! Pinochet trouve une solution : le
partage du travail. A l'usine, les pères se mettent obligatoirement à temps partiel et
offrent l'autre mi-temps à leur enfant, leur cousin, à leur nièce en
âge de travailler. Le chômage diminue, naturellement ! L'armée
recrute, de plus en plus. Mal payée mais puissante et très bien
contrôlée. 1985. Après 13 ans de dictature militaire, face à la pression
internationale et les critiques de ses partisans d'autrefois, Pinochet
va tenter de légitimer son régime et de donner une image plus humaine
de lui-même. Deux années plus tard, après 15 ans de clandestinité, les
partis politiques sont invités à revenir à la vie publique. Puis
exilés politiques et poètes sont autorisés à rentrer au Chili y compris la
veuve d'Allende. 1988. L'étau de la censure va se desserrer et Pinochet se sent
approuvé. Il organisera un plébiscite en proposant la prolongation de
sa présidence jusqu'en 1997. Les bureaux de vote sont contrôlés par
ses hommes. Il est certain de devenir à la face du monde et des
Nations Unies, un président de la république démocratiquement élu. A
sa grande surprise 55 % des Chiliens vont répondre " non ". Il sera
alors sommé par le congrès d'organiser des élections présidentielles
en 1989. La première mesure que va prendre Pinochet est un décret-loi
d'amnistie qui va blanchir tous les militaires ayant participé aux
massacres multiples et aux opérations Condor. Il se nomme 'Ministre de
l'Intérieur'. 1989 - fin d'année : Trois candidats vont s'affronter : *Patricio Aylwin, politicien
démocrate-chrétien, candidat de l'opposition unie du centre à
l'extrême gauche, *Hernan Büchi, ancien ministre des finances de
Pinochet et cela surprend tout le monde... dauphin du dictateur, *
Francisco Errazuriz, brasseur d'affaires saisi par la politique en
1982 lors de la crise. C'est Patricio Aylwin qui sera victorieux : 55,2 %
contre 29,4 % pour Büchi et 15,4 % pour Errazuriz. Le gouvernement qu'il forme en mars 1990, 'gouvernement de transition
vers la démocratie' aura pour mission de libérer les institutions de
leur carcan autoritaire et de préparer les véritables élections de
décembre 1993. Un pas important en ce sens a été fait avec
l'organisation des élections municipales au suffrage universel direct
obligatoire. Elles auront lieu le 28 juin 1992. Les dernières avaient
eu lieu en 1971. (Durant les 17 ans de dictature Pinochet, les maires
des communes furent désignés par le pouvoir exécutif). Sept millions d'électeurs se
rendent aux urnes et le taux d'abstention est extrêmement faible (11 %
seulement). La Concertacion, (coalition anti-Pinochet allant des
socialistes aux démocrates-chrétiens) démontre qu'elle est
toujours majoritaire après deux ans au pouvoir avec 53,25 % des voix.
Le parti communiste obtient 6,6 % des votes. Mais les partis de droite avec 29,67 % des suffrages aboutissent à un score bien meilleur
que celui prévu par les sondages. Aux élections de 1994, Eduardo Frei, chef de la démocratie chrétienne,
remplace Patrico Aylwin à la tête de la présidence. Le 10 mars 1998,
Pinochet quitte son poste à l'armée qu'il occupait depuis 1990 et
devient selon une constitution qu'il avait lui même mise en place,
sénateur à vie. A la demande de deux juges espagnols, l'ancien
dictateur est arrêté dans une clinique londonienne le 16 octobre
1998. De retour au Chili, il est considéré comme incapable (sénilité,
faiblesse mentale) et tombe sous le coup du décret-loi d'amnistie et
la protection des incapables majeurs. Ses avoirs aux Bahamas -sa
famille est très très riche- sont bloqués par le gouvernement chilien. Les dernières élections qui se sont déroulées en 2000 ont donné le
siège de président de la république à un socialiste : Ricardo Lagos
Escobar. S'il a la majorité à la Chambre des Députés, il ne l'a pas
encore au Sénat. Pour annuler ce décret-loi d'amnistie et afin de
juger tous les militaires (600 dossiers en instance), Eduardo
Lagos Escobar a besoin de
l'assentiment des deux assemblées. Il lui est encore difficile, de ce
fait d'amender la constitution mise en place par Pinochet. Mai 2004 : le décret-loi d'amnistie est abrogé : Pinochet et les
militaires impliqués dans les meurtres et la répression seront enfin
jugés. Comment retrouver la trace d'un disparu ? Comment perpétrer sa
mémoire ? Voir www.memoriaviva.com
Ce site est le lien entre les
vivants et les familles des disparus. Plantez un arbre qui deviendra centenaire et
donnez-lui le nom d'un disparu : enfant, paysanne,
musicien ou poète, syndicaliste, prêtre, frère ou sœur.
Copyright Lorena Bettocchi
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